" FEES ET MAGICIENS D'HIER ET DE DEMAIN "
Catégorie "Juniors" 2ème prix

Les Mages du Basukra de Alexia LALLEMAND



A cette époque-là, le soleil avait vu la Terre lui tourner autour des millions et des millions de fois, il avait vu les dinosaures, ces bêtes monstrueuses, disparaître sous un épais nuage de poussière, et presque aussitôt les hommes étaient apparus. Des êtres cruels et sans scrupules, plus monstrueux encore que les créatures auxquelles ils avaient succédé, des diables qui avaient transformé la Terre en un déchet nucléaire, qui pensaient tout savoir de la science, de l'univers et de ses mystères ; pleins de haine et de mépris envers leurs semblables, ils se croyaient invincibles. Mais le destin en voulut autrement. Ils périrent tous lors d'une collision avec le plus gros météorite que le soleil ait jamais vu.

A cette époque-là, nous étions en 5642 et les elfes régnaient sur la Terre.

Laÿs était sans doute une des plus belles créatures de cette espèce, en tout cas avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux bleus elle ne laissait pas indifférents les elfes de Vivabelca, son village. Tout en elle plaisait à l'œil, depuis chacun de ses sourires jusqu au moindre de ses gestes.

Elle vivait dans une toute petite maisonnette, un peu à l'écart de celles des autres villageois, près d'une rivière qui marquait la séparation entre le village et la forêt. Elle avait pour seule famille sa grand-mère Mandy, âgée de 102 ans. Malgré son grand âge, les gens avaient toujours à son égard une sorte de respect mêlé de crainte. Car elle était une puissante devinatrice aux pouvoirs exceptionnels ; des elfes se déplaçaient de tout le pays pour bénéficier de ses dons. Pour Laÿs, elle était simplement sa bonne grand-mère qui savait divinement faire les gâteaux au chocolat et qui lui contait des histoires... Sa mère était morte à sa naissance et du plus loin qu'elle se souvienne, on ne lui avait jamais parlé de son père.

Comme chaque jour après I'EEMV (Enseignement pour Elfes Motivés et Volontaires), Laÿs traversa le petit pont en bois qui menait à la forêt. Après avoir marché quelques minutes, elle s'assit au pied d'un arbre et fit trois sifflements brefs. Elle n'eut pas longtemps à attendre car elle voyait déjà apparaître entre les buissons ses trois petits amis. Le plus grand d'entre eux mesurait à peine trente centimètres tandis que les deux autres ne dépassaient pas les vingt-cinq centimètres. Les Tizomes étaient en effet connus pour leur toute petite taille mais aussi pour leur incroyable rapidité. Ils étaient capables de parcourir de longues distances à une vitesse vertigineuse, sans montrer le moindre signe de fatigue. Ils étaient de nature gaie et joyeuse, ils s'amusaient à jouer des tours aux elfes, mais sans jamais avoir la moindre méchanceté, recherchant plutôt une bonne raison pour laisser échapper leur rire cristallin toujours plein de naïveté.

Pourtant ce jour-là, ils avaient l'air très inquiet et ne cessaient de jeter autour d'eux des regards craintifs.

- Qu'y a-t-il mes amis ? demanda Laÿs, anxieuse de les voir dans un tel état.
- La forêt est étrange ce soir, répondit Saracmol.

Laÿs fronça les sourcils.

- II y a quelque chose d'inhabituel, dit à son tour Naflora.
- Quelque chose qui ne devrait pas se trouver là, continua Rutin.

Ils se turent un moment et Laÿs s'en voulut de n'avoir pas encore remarqué à quel point la forêt était silencieuse : aucun oiseau ne chantait, plus aucune brindille ne craquait, même le vent semblait s'être arrêté. Soudain un cri aigu s'échappa d'un buisson et une assez grosse chouette s'envola avec fracas.

-C'est par là ! s'exclama Saracmol tandis que toutes les petites bestioles s'enfuyaient à l'opposé de l'endroit mystérieux. Les Tizomes s'y précipitèrent, laissant respectivement derrière eux une traînée bleue, verte et rose.

Laÿs les rejoignit quelques minutes plus tard : Naflora semblait horrifiée.

- Oh là là ! murmura-t-elle, c'est la première fois que j'en vois un ... N'y va pas Laÿs, cela pourrait être dangereux.

Laÿs n'y prêta aucune attention et traversa les buissons. A travers ses tourbillons rapides, la rivière avait formé à cet endroit-là une sorte de plage gravillonnée où le corps d'un jeune elfe aux cheveux bruns était allongé, à moitié sous l'eau. Laÿs se dépêcha de le repêcher et le porta difficilement à l'abri sur l'herbe tendre. Il était totalement nu, et une profonde blessure au niveau de sa hanche laissait s'échapper des flots de sang. Elle était pourtant sûre d'avoir appris la formule de guérison mais en cet instant, elle lui échappait totalement. Puis, alors qu'elle réfléchissait, son regard s'attarda. sur une espèce de tatouage noir, dessiné sur son torse. Elle recula avec une telle précipitation qu'elle tomba en arrière : c'était le Strarz, le signe distinctif des sorciers. Les elfes les craignaient énormément car, bien loin de Vivabelca, cinq grands mages noirs régnaient sur Basukra, la capitale du monde, tandis que leur pouvoir s'étendait petit à petit à travers la surface du globe. Nul n'osait les affronter car leur puissance défiait toute imagination. Le sorcier ouvrit alors ses yeux couleur océan et tourna la tête vers Laÿs. - Aidez-moi...

La jeune elfe oublia alors tout de ses origines, ne voyant en lui qu'un être mourant, elle s'agenouilla à ses côtés et posa ses deux mains sur sa blessure suintante. La formule lui revint alors comme par enchantement : " Doctorina Dirana Traesca ". La plaie se referma brusquement et le sorcier se souleva.

- Il faut m'aider à trouver Laÿs Lee, c'est important...
- Euh ... c'est moi ... répondit -elle surprise.
- Alors nous n'avons pas de temps à perdre !

Il souleva son bras gauche au-dessus de sa tête et un éclair blanc monta au sommet des arbres ; quelques secondes plus tard, une immense créature aux ailes puissantes atterrissait tout près d'eux.

- Oh... mais c'est... un dragon ! s'exclama Laÿs.

Le sorcier attacha autour de sa taille une sorte de toge qui était accrochée à la selle du dragon, puis il prit la main de la jeune elfe et ils s'envolèrent ensemble au-dessus de la forêt.

- Mais qu'est-ce que vous faites ? Redescendez-moi tout de suite, vous n'avez aucun droit ! Ma grand-mère m'attend pour dîner et si je ne reviens pas … AAAH !!!

Une secousse du dragon lui fit perdre l'équilibre et elle s'accrocha solidement à la taille du sorcier pour ne pas tomber.

- Mais qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Bruss Faam et comme vous l'avez sûrement deviné, je suis un sorcier. Mais vous n'avez rien à craindre de moi, je ne vous ferai aucun mal, je suis venu ici pour vous sauver au contraire.
- Me sauver ? Mais de quoi ?
- C'est une assez longue histoire, alors je vais me permettre d'omettre quelques détails : il y a des années, les cinq mages noirs du Basukra ont entendu une prophétie leur racontant qu'une seule personne aurait le pouvoir de les vaincre, l'elfe dont le sang serait le même que celui d'une puissante devinatrice. Mais il se trouvait qu'à cette époque-là, cette devinatrice n'était encore qu'une enfant dépourvue de pouvoir ce qui rendit leur recherche plus difficile ; mais ils finirent par trouver, comme toujours, et durant la nuit ils détruisirent la maison de la fillette et de ses parents ...
- Mais cette fillette, ce ne serait pas …
- Votre grand-mère, oui. Par un drôle de hasard, il se trouvait que ce soir-là, Mandy ne se trouvait pas chez elle et, apprenant la mort de ses parents, elle partit vivre chez le prieur de son village, où elle grandit et eut une fille à son tour. Mais, au bout de dix-huit ans, les mages noirs se rendirent compte de leur erreur et ils assassinèrent la jeune elfe, mais ce qu'ils ignoraient c'est qu'elle avait elle aussi donné la vie à une enfant, que Mandy cachait soigneusement depuis qu'elle avait compris le stratagème des mages. Aujourd'hui ils se sont aperçus de votre présence et ils viennent pour vous tuer.

Laÿs resta abasourdie.

- Mais comment ma grand-mère a-t-elle pu savoir ce que les mages …
- C'est une devinatrice, elle l'a sans doute vu...

La jeune elfe réfléchissait ; il y a quelques heures à peine, elle se trouvait à l'EEMV en train d'étudier un insignifiant théorème de Théodore et à présent la voici à dos de dragon en compagnie d'un sorcier dont elle ne connaissait que le nom, poursuivie par cinq mages noirs cherchant à lui ôter la vie.

- Mais au fait comment savez-vous tout cela ? demanda-t-elle.
- Aucune importance, je le sais c'est tout.

Un atroce hurlement s'éleva derrière eux : cinq formes sombres les suivaient, trop lointaines pour les distinguer clairement.

- Ils arrivent... murmura Bruss, soudain devenu pâle comme un linge.

Le dragon accéléra davantage en vain, les mages se rapprochaient toujours un peu plus, ils chevauchaient des sortes de grands oiseaux noirs avec des ailes trois fois plus grandes que leur corps, et leur bec mesurait deux mètres.

- Ce sont des Flortozoms, dit Bruss répondant aux pensées de Laÿs. Soudain, l'elfe sentit son corps se raidir, elle avait froid, si froid, son cerveau semblait congelé, ses muscles travaillaient avec difficulté et sa respiration se faisait faible. Dans sa tête résonna un rire atroce et elle tomba dans le vide. Elle ne pensait plus à rien tandis que le vent de la vitesse lui fouettait le visage, le sol se rapprochait de plus en plus d'une immense masse verte, elle reconnut une forêt, une jolie petite clairière et aussi une rivière entre les arbres. Elle ferma les yeux quand, comme un ressort, elle repartit soudainement dans le ciel, la clairière et la rivière disparurent, la forêt redevint une immense masse verte. Bruss l'installa devant lui.

Elle se souvint alors : une voix glaciale " Dibocada Frilesta " et sa chute infinie, puis une baguette brandie et quelques mots prononcés d'une voix forte : " Solusol Me Revea " et son atterrissage dans les bras de Brass.

Le dragon se posa dans une sorte de grotte creusée au milieu d'une haute falaise et le sorcier fit descendre Laÿs.

- Il nous faut continuer à pied, la voie des airs est trop dangereuse ...
- Ils ne nous ont pas vu venir ici ? demanda-t-elle.
- Non, j'ai créé un brouillard artificiel pour les distancer mais ils ne vont pas tarder à arriver. Il nous faut monter à l'intérieur de la falaise pour arriver sains et saufs à mon royaume où vous serez enfin en sécurité.
- Mais pourquoi ne pas y aller en volant ? Votre dragon nous y déposerait en quelques secondes.
- Non, l'air y est irrespirable pour toutes créatures dépourvues d'intelligence elfique. Les dragons et les Flortozoms ne peuvent s'y aventurer. Allez, venez !

Bruss prit la main de Laÿs et ils se mirent à courir dans un long et étroit tunnel sombre. Ils avancèrent ainsi pendant plus d'une heure quand la jeune elfe trébucha et s'effondra au sol.

- Vous allez bien ? s'inquiéta Bruss en l'aidant à se relever.
- Je ... je crois que je me suis foulé la cheville, dit-elle en grimaçant ! Il nous reste encore beaucoup à parcourir ?
- Encore pas loin de...

Il ne put finir sa phrase car une épaisse lame lui transperçait le coeur. Laÿs cria.

- Cette fois tu ne t'en sortiras plus, ricana une horrible voix en arrachant son épée du corps inerte de Bruss.

Les cinq mages se tenaient devant elle, une baguette magique dans les mains.

- Alors c'est toi qui es destinée à nous vaincre ? Amusant...

Leurs rires glacials résonnèrent dans le tunnel. Laÿs voulut se relever et s'enfuir mais elle tomba lourdement sur le sol.

- Mais où comptes-tu aller comme ça ? Nous allons te tuer comme nous avons tué ta mère.

La peur de Laÿs disparut alors et fut remplacée par la haine ; c'était à cause d'eux qu'elle n'avait jamais connu sa mère et qu'elle n'avait jamais pu grandir comme tous les enfants de son âge. Sous l'effet de la colère, elle se leva d'un bond, oubliant sa douleur à la cheville. Une étrange lumière émergea de son corps, elle étendit les bras et s'éleva dans les airs. Les mages reculèrent sous l'effet de la surprise ; Laÿs n'était plus qu'une boule d'énergie, elle attendit que la puissance lui traverse tout le corps puis joignit ses mains ; un jet de flamme sortit de ses doigts et brûla les cinq mages en quelques secondes. Elle s'effondra alors, la tête remplie de cris pleins de douleur.

Quand elle se réveilla quelques heures plus tard, elle était allongée dans un lit spacieux. Elle se redressa difficilement

- Où suis-je ? demanda-t-elle.
- En sûreté, lui répondit alors une voix familière.

Rutin sauta sur le lit et se blottit dans ses bras, Naflora et Saracmol le rejoignirent.

- Mes chers amis, comment se fait-il que vous soyez ici ?
- Nous avons couru...
- Longtemps...
- Sans s'arrêter.

Saracmol reprit :

- On a suivi le dragon sur terre et on a grimpé sur la falaise pour atteindre la grotte où vous êtes entrés, le sorcier et toi, mais quand on est arrivé, les mages avaient disparu, le sorcier était mort et tu étais évanouie ; alors on t'a portée et …

Laÿs n'écoutait plus. Bruss était mort pour la sauver. Elle eut soudain envie de pleurer, sa cheville la fit de nouveau souffrir. Elle ferma les yeux " il est mort pour toi " elle se leva " il a sacrifié sa vie pour sauver la tienne " elle s'approcha de la fenêtre ouverte " mort " la chambre était dans la plus haute tour du château " sacrifier " " Laÿs ? " murmura Naflora " POUR TOI " elle se pencha en avant " SACRIFIER " c'était si haut " IL EST MORT ". Laÿs se tourna vers les Tizomes et murmura : " II est mort pour moi ", et elle sauta dans le vide.