Concours de nouvelles 2017

2e Prix catégorie "Juniors"

Zapatera de Charlotte REBUFFAT


Bonjour, je m’appelle Aziz et j’ai 10 ans. Je suis un jeune enfant normal, mis à part que je suis handicapé de la main droite. Je n’arrive pas à la contrôler. Le plus souvent elle ne bouge pas mais il arrive quelquefois qu’elle fasse des gestes toute seule. Une fois, elle s’est accrochée à la poignée de ma chambre et j’ai dû attendre 5 heures qu’elle se décroche. C’est très dur de vivre avec ce handicap, mais je m’y suis fait. Le problème c’est que la plupart du temps, je me retrouve seul dans mon école car les autres enfants ont peur de moi. Certains croient même que je suis possédé ! Même les racailles en profitent, je suis une cible parfaite avec un bras en moins. Mon handicap ne me permet pas de faire beaucoup de sport et je suis plutôt chétif. Pour ne rien arranger je n’ai pas de père (je l’ai vu deux fois dans ma vie). Ma mère n’a plus d’argent, nous vivons dans la pauvreté. Mon père n’a pas payé la pension alimentaire depuis 6 ans et refuse de le faire. Il risque la prison.
Pour oublier tout ça, parfois j’écris. Je m’invente une vie et je deviens grand, beau, fort, musclé, craquant, irrésistible, intelligent, athlétique, puissant, formidable, charmant, admirable et tout le reste. Ça fait du bien de rêver !
Aujourd’hui, je suis sur une barque, au beau milieu d’un étang. Mon regard se perd dans l’onde et j’imagine, je rêvasse. Je m’allonge au fond de ma barque et ferme les yeux pour profiter de la chaleur de ce début d’été. Soudain, je me sens tomber dans le vide. Je me rattrape de justesse à une voile. Minute ! Il n’y a pas de voile sur ma barque ! J’ouvre les yeux. Je me trouve sur un magnifique navire.

Aziz se tenait debout sur un galion majestueux, l’air un peu perdu. C’était compréhensible car il venait de passer de dix ans à vingt-cinq ans en quelques secondes, et surtout, surtout, il avait une main droite normale, parfaitement normale, à quelques détails près, elle était en fer. Mais il pouvait la contrôler comme il le voulait. C’était exaltant ! Il reprit contenance et sut au fond de lui qui il était vraiment. Il était Azur le Magnifique !
Un très jeune marin s’approcha prudemment.
- Chef Azur ? Nous approchons de la terre que vous vouliez rejoindre.
- Rappelle moi pour quelle cause nous nous rendons ici ? l’interrogea Azur.
- Nous allons voler la grande carte au trésor de Barberousse et retrouver son trésor ! répondit le jeune, enjoué.
- Terre en vue ! s’écria le vigile.
- Préparez tout ce qu’il faut, commanda Azur.
Il commençait à se faire tard. Au bout d’un moment tous allèrent se coucher. Le chef des pirates alla dans sa chambre. Il y avait déjà toutes les informations dont il avait besoin pour planifier l’attaque de la ville. Tout était déjà sur la table qui se trouvait au centre de la pièce. Ce soir-là, Azur s’endormit pour la première fois l’esprit en paix ; il se sentait chez lui ici.
Le lendemain matin, aux premières lueurs de l’aube, tout le monde se leva. La terre était désormais un point énorme. Ils le rejoindraient dans l’après-midi. Le jeune homme appela l’équipage pour faire le point. Etonnamment, il connaissait déjà toutes les règles de la navigation comme tout pirate qui se respecte.
- Ecoutez, voici ce que l’on va faire : nous connaissons l’emplacement du document. Tout ce que l’on a à faire, c’est le récupérer. Or les habitants sont au courant de notre idée. Nous allons nous déguiser en personnes « normales » et cacher le drapeau de pirate sur le bateau. Voici mon plan. Un tiers de l’équipage ira chercher ce dont on a besoin, j’en ferai partie. Le deuxième tiers fera diversion de l’autre côté de la ville. Le dernier groupe aidera les rescapés à se sauver. Revenez tous en même temps sinon on partira sans vous. Attendez un peu l’autre groupe. S’il ne revient pas, partez.
Les soldats acquiescèrent et se virent chacun attribuer une tâche. Puis ils allèrent manger. Aux alentours de quatorze heures, ils arrivèrent sur la terre ferme. Azur emmena directement sa troupe avec lui. Ils allaient se cacher en attendant que l’autre groupe ait commencé à faire diversion. Personne ne les trouva dans leur cachette et ils se décidèrent enfin à passer à l’action. Ils se rendirent jusqu’au centre du village d’un pas nonchalant et décontracté, comme si de rien n’était. La demeure qui se dressait devant eux était celle du maire. Ils entrèrent. Il n’y avait personne. Ils entrèrent, méfiants, guettant une embuscade. Un moussaillon du nom d’Avilda fut désigné pour faire le guet. Les autres traversèrent deux pièces et arrivèrent dans ce qui semblait être la salle des archives. Le précieux document était au centre, sur un piédestal. Azur s’approcha et une lueur de convoitise brillait dans ses yeux. Toute méfiance envolée, les autres approchèrent. Soudain, un ricanement se fit entendre. Un homme se tenait au centre de la pièce.
- Vous croyez que je ne connais pas vos manigances ? Vraiment ? Que vous êtes naïfs ! ça faisait si longtemps que je rêvais de vous attraper ! Et maintenant vous êtes coincés !
Il avança et six hommes l’entourèrent. L’un d’eux retenait Avilda. Azur n’avait pas besoin de savoir compter pour se rendre compte qu’ils étaient inférieurs et que ça sentait mauvais. Que toute cette histoire sentait mauvais, très mauvais. Ses hommes n’attendirent pas ses ordres pour attaquer. Sans hésitation, le pirate plongea dans la mêlée. Il enchaînait les coups et se battait comme un beau diable. Quand il fut libre, il vit que tous ses amis étaient retenus fermement. Il ne restait plus qu’Azur et le chef de la ville. L’homme (sûrement le maire) se mit à rire sadiquement, confiant en la victoire. Mais il reçut un coup de massue sur la tête et tomba par terre. Derrière lui, un des membres de la deuxième équipe souriait à pleines dents.
- On est venus à la rescousse après avoir semé les autres. Juste au cas où… On a bien fait !
- Hé ! J’aurai pu me défendre tout seul, se défendit le chef.
Les deux groupes retournèrent au bateau et ils repartirent vers l’île de Zapatera, le lieu dans lequel se trouvait la carte. Après une vingtaine de jours de mer, les pirates des sept mers arrivèrent enfin. L’endroit était désert, mais avait été habité autrefois, car il y avait des huttes devant eux. Soudain, des hommes et des femmes sautèrent sur eux dans un cri de guerre. Azur et sa bande levèrent les mains en signe de paix et les indigènes se radoucirent. Les hommes étaient torse nu, ils portaient une ceinture de peau autour de laquelle pendaient des lambeaux de peaux d’animaux. Les femmes portaient des robes qui leur arrivaient presque jusqu’aux pieds, elles aussi faites en peaux d’animaux. Leurs cheveux étaient retenus en chignons alambiqués. Elles s’étaient percé les oreilles et des fleurs y étaient accrochées. Tous les indigènes s’étaient peint le visage de toutes les couleurs. Le chef se montra, les salua et donna un logement aux pirates. Le soir, on leur apporta un repas, et tout semblait penser que les indigènes vénéraient quasiment l’équipage d’Azur. Le lendemain, ils se mirent à la recherche du trésor. La carte était très imprécise et Azur eut soudain peur que celle qu’ils avaient récupérée soit la mauvaise. Bien heureusement, ce n’était pas le cas. Les habitants de cette petite ville au bord du pacifique n’étaient pas assez ingénieux et futés pour imaginer une telle chose. Le trésor se trouvait dans une forêt boisée au bord d’un volcan. Les pirates se doutaient qu’il y avait des pièges et des sables mouvants. Ils avancèrent donc doucement, faisant tantôt dix pas à gauche, tantôt soixante pas à droite. Un des matelots s’embourba dans un marécage et ne put être sauvé. Deux autres se firent mordre par des serpents ou des araignées et perdirent la vie dans la forêt. A un moment, Azur se retrouva même suspendu la tête en bas, accroché à une corde. Barberousse avait bien protégé le trésor. Vers dix-sept heures, ils arrivèrent enfin au sommet d’une collinette. Avilda, malheureusement attiré par l’appât du gain, courut jusqu’en haut. Mais c’était un piège, le trésor se trouvait plus loin. Au sommet de la colline, il y avait un trou, et le second d’Azur périt embourbé. Les autres contournèrent la colline et descendirent dans un vallon, au fond duquel coulait une rivière. Là, les corsaires rencontrèrent un problème de taille. L’emplacement du trésor se trouvait au beau milieu de la rivière. Azur prit son courage à deux mains et plongea dedans, là ou aurait dû se trouver le coffre. Il nagea vers le bas en retenant sa respiration. C’est là qu’il trouva une petite grotte aux parois de diamant. Et au centre, le coffre au trésor resplendissait de mille feux. Sur le plafond de la caverne il était écrit en allemand : « Cher pirate (seuls les pirates peuvent venir ici), si tu as réussi à parvenir jusqu’ici, le trésor t’appartient. Tu as su t’en montrer digne ». Azur se mit à genoux et éclata d’un rire tonitruant de pirate. Il ouvrit le coffre et trouva des bijoux, des pièces d’or, des chaines et des pierres précieuses. Il ramena tout cela à la surface, poignées par poignées en faisant des allers retours. Ce soir-là, les brigands établirent le campement dans la vallée. Ils se partagèrent l’or équitablement, à part Azur qui en prit la moitié. La soirée se passa dans une jovialité extrême et finalement tout le monde se coucha et s’endormit, sauf Azur.

Je n’arrive pas à m’endormir ce soir. Je sais que si je le fais, demain, je me réveillerai dans une barque et je retrouverai ma vie minable. Je suis un peu triste de quitter mon équipage, je m’y suis attaché. Comment feront-ils sans moi ? Mais de toute façon, je suis obligé de dormir, alors ça ne sert à rien de retarder la chose. Je retourne dans mon sac de couchage et je ferme les yeux, un sourire aux lèvres : maintenant, je connais mon futur.